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Philosophe.

côté je ſentois des deſirs violens dont je ne pouvois démêler le but. Ce ſerpent charmant ſe peignoit ſans ceſſe dans mon ame, & s’y arrêtoit malgré moi, ſoit en veillant ou en dormant. Quelquefois, toute émue ; je croyois y porter la main, je le careſſois, j’admirois ſon air noble, altier ; ſa fermeté, quoique j’en ignoraſſe encore l’uſage ; mon cœur battoit avec une viteſſe étonnante, & dans le fort de mon extaſe ou de mon rêve, toujours marqué par un frémiſſement de volupté, je ne me connoiſſois preſque plus : ma main ſe trouvoit ſaiſie de la pomme, mon doigt remplaçoit le ſerpent. Excitée par les avant-coureurs du plaiſir, j’étois incapable d’aucune autre réflexion : l’enfer entr’ouvert ſous mes yeux n’auroit pas eu le pouvoir de m’arrêter : remords impuiſſans ! je mettois le comble à la volupté.

Que de trouble enſuite ! le jeûne, le cilice, la méditation, étoient ma reſſource : je fondois en larmes. Ces remèdes en détraquant la machine, me guérirent à la