Page:Argis - Sodome, 1888.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
106
SODOME.

Dire des vers à une femme dans un pareil moment, n’est-il pas d’un pédant et d’un cuistre affreux, et celui qui ne trouve pas en lui des paroles ne doit-il pas se taire ou parler un autre langage que des mots ? Et, cependant, dits par Jacques, et en un pareil moment, ceux qu’il murmura alors comme une douce mélopée la pénétrèrent sans doute, car à côté de lui, sur le divan, aux pieds de ce christ, il la sentait haletante. Il disait doucement, et, sa voix, comme un accompagnement digne de la sublime romance qu’il parlait :

 

Soyons deux enfants, soyons deux jeunes filles
Éprises de rien et de tout étonnées
Qui s’en vont pâlir sous les chastes charmilles,
Sans même savoir qu’elles sont pardonnées.

— Où commençait pauvre Lélian ? dit-elle.

C’était toute sa vie et toutes ses souffrances, tout son bonheur et toutes ses espérances qu’il lui disait là, et il avait peine à retenir sa joie de toucher presque en ce moment à l’Éden ! Pourquoi ne vivraient-ils pas ainsi, côte à côte, dans la contemplation de leurs âmes, puisque déjà ils s’étaient si bien compris et que leurs cœurs semblaient se retrouver comme les deux moitiés d’un seul cœur, dans une inexplicable métempsycose…