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LA RETRAITE.

— Je devais vivre seul ayant perdu l’espoir d’un ami, je vous ai rencontrée et vous m’avez accueilli me faisant abjurer mes anciens vœux. Maintenant, vous me rejetez et me brisez, je vivrai seul…

Puis, avec un revirement soudain qui l’effraya :

— Sans doute, un moment vous avez pu vous tromper à mes paroles et croire qu’un absurde platonisme pourrait être entre nous, peut-être moi-même l’ai-je cru un instant. Mais vous êtes trop belle et vous m’avez cru trop fort.

— Il est tard : me donnerez-vous votre bras ?

Ils descendirent : la nuit était venue, la nuit bonne, avec ses caresses de velours et des murmures et des frissons.

Ils reprirent lentement, Soran très lentement, le chemin qu’ils avaient marché tout à l’heure, lui si heureux, elle si confiante.

— Mais, pourquoi ? dit-il.

— Voulez-vous encore me jurer de ne me dire jamais : Pourquoi ?

L’austère philosophe, le cabaliste transcendant, l’ascète parfait, l’homme fort qui dardait sa volonté et dominait les choses, baissa la tête ; il n’essaya plus de lutter et il promit.

— Non, j’avais tort, dit-elle, ne promettez