Page:Aristide Briand-La Grève générale et la Révolution-1932.djvu/15

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mêmes qui sont déjà systématiquement organisés pour les actionnaires ? Et si jamais révolution doit affecter le caractère de la lutte de classes, je vous le demande, citoyens, n’est-ce pas celle-là ?

Je prévois qu’on me fera cette objection : « Mais si la Grève générale, c’est la Révolution, pourquoi ne pas aller droit au but, en préconisant directement la Révolution ? Si les travailleurs étaient prêts pour la Grève générale, n’est-ce pas qu’ils le seraient aussi pour la Révolution ? » D’autres diront : « La Révolution ne s’organise ni ne se décrète, elle ne dépend pas de la volonté des individus ; elle est le résultat de circonstances, le point culminant de l’évolution : elle s’impose aux hommes… » Vous voyez que je n’essaie pas d’esquiver les difficultés de la discussion.

Je conviens, citoyens, que la Grève générale, la Révolution, ne peuvent être décrétées d’avance pour une date ferme ; je conviens que la Révolution, malheureusement, ne dépend pas de quelques bonnes volontés, sans cela, il y a longtemps que vous l’auriez faite. : Je ne nie pas le rôle prépondérant de l’évolution et des circonstances. (Vifs applaudissements). Mais je crois — c’est une réserve que je tiens à faire car je ne suis pas fataliste — que la volonté humaine peut hâter la marche de l’évolution et contribuer puissamment à accoucher les circonstances.

Il n’est pas douteux que, dans le passé, bien des circonstances révolutionnaires se sont présentées, dont les hommes, faute de préparation suffisante, n’ont pas su tirer parti. Le prolétariat a pu être souvent enclin à la révolte, sans aller jusqu’à la révolution faute de moyen. En lui offrant le moyen, la Grève générale a précisément pour but de dégager ses bonnes dispositions latentes.