Page:Aristophane, trad. Talbot, 1897, tome 2.djvu/214

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DEUXIÈME FEMME.

Je ne viens, moi-même, que pour dire quelques mots. En effet, l’oratrice a bien formulé nos griefs. Cependant ce que j’ai souffert, je veux vous le dire. Mon mari est mort à Kypros, me laissant cinq petits enfants, que j’ai beaucoup de peine à élever en tressant des couronnes sur le marché aux myrtes. Jusqu’ici, toutefois, je gagnais ma vie tant bien que mal. Mais voici que cet homme, dans les tragédies qu’il compose, a persuadé aux gens qu’il n’y a point de dieux, de telle sorte que ma vente a diminué de moitié. Je vous le dis donc à vous toutes, et je le répète, il faut châtier cet homme et pour beaucoup de raisons. Les grossièretés sauvages qu’il entasse contre nous, femmes, viennent de ce qu’il a été élevé au milieu de légumes grossiers. Mais je me rends à l’Agora : j’ai à tresser pour les hommes vingt couronnes par moi promises.

LE CHŒUR.

Cette liberté de langage offre quelque chose de plus piquant que le premier discours. Que de traits lancés à propos ! Qu’elle a du bon sens ! Quel raffinement de pensées ! Rien d’inintelligible : tout est convaincant. Oui, il faut tirer des outrages de cet homme une vengeance éclatante.

MNÈSILOKHOS.

Femmes, votre ressentiment violent contre Euripidès, qui a dit tant de vilaines choses de vous, n’a rien qui me surprenne : il devait échauffer votre bile. Moi-même, j’en jure par mes enfants, je déteste cet homme. Autrement je serais folle. Cependant entre nous il faut parler raison. Nous sommes seules : pas un mot ne sortira d’ici. Pour-