Page:Aristophane, trad. Talbot, 1897, tome 2.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quoi l’accusons-nous, et supportons-nous avec peine qu’il ait révélé deux ou trois de nos forfaits, quand notre conduite en a dix mille ? Moi tout d’abord, pour n’en pas citer d’autre, j’ai beaucoup de vilaines choses sur la conscience, entre autres celle-ci, qui est fort laide. J’étais mariée depuis trois jours, mon mari dormait près de moi. J’avais un amant qui m’avait séduite à l’âge de sept ans. Celui-ci, pris d’un vif désir de m’avoir, vient gratter à la porte. Je comprends aussitôt, et je me glisse hors du lit, en cachette. Mon mari me demande : « Où vas-tu ? — Où ? j’ai la colique, mon ami, j’ai mal au ventre ; je vais aux lieux d’aisances. — Va, » me dit-il. Puis il se met à broyer des fruits de cèdre, de l’aneth, de la sauge. Moi, je verse de l’eau sur les gonds et je m’échappe auprès de mon amant. Je me livre à lui, à demi couchée sur l’autel du Dieu des Rues, et me tenant attachée au laurier. Et voyez, Euripidès n’a jamais soufflé un mot de cela, pas plus que de nos complaisances pour des esclaves et des muletiers, à défaut d’autres. Il n’en dit rien, ni du soin que nous prenons, après nos libertinages nocturnes, de manger de l’ail le matin, pour que le mari, trompé par l’odeur en revenant du rempart, ne soupçonne aucun méfait. Euripidès, tu le vois, n’en a jamais parlé. S’il injurie Phædra, qu’est-ce que cela nous fait ? Il n’a jamais dit qu’une femme, déployant au grand jour, devant son mari, la largeur de son manteau, fait échapper son amant caché dessous : il ne l’a jamais dit. J’en sais une autre qui prétendit durant dix jours qu’elle était en travail d’accouchement, jusqu’à ce qu’elle eût acheté un enfant. Le mari court partout afin d’acheter des remèdes qui hâtent la délivrance : une vieille apporte dans une marmite l’enfant, qui a la bouche remplie de miel pour l’empêcher de crier. Sur un