Page:Aristophane, trad. Talbot, 1897, tome 2.djvu/340

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DIONYSOS.

Je le vois.

ÆSKHYLOS.

Et, après cela, tu oses critiquer mes chants, toi qui, pour les tiens, prends modèle sur les douze postures de Kyrènè. Voilà tes vers lyriques ; mais je veux encore examiner le procédé de tes monodies. « Ô noire obscurité de la Nuit, quel songe funeste m’envoies-tu du fond des ténèbres, ministre de Hadès, doué d’une âme inanimée, fils de la sombre Nuit, dont le terrible aspect fait frissonner, enveloppé d’un noir linceul, aux regards farouches, farouches, muni d’ongles allongés ?

« Femmes, allumez-moi la lampe ; de vos urnes puisez la rosée des fleuves ; chauffez l’eau, pour que je me purifie de ce songe divin. Ô Dieu des mers, c’est cela même. Ô mes compagnes, contemplez ces prodiges. Glyka m’a enlevé mon coq et a disparu. Nymphes des montagnes, ô Mania, arrêtez-la. Et moi, infortunée, j’étais alors tout entière à mon œuvre, ti-ti-ti-tissant de mes mains le lin qui garnissait mon fuseau, faisant un peloton, pour le porter de grand matin à l’Agora et pour le vendre. Pour lui, il s’envolait, il s’envolait dans l’air, sur les pointes rapides de ses ailes. Et à moi il ne m’a laissé que les douleurs, les douleurs, et les larmes, les larmes coulant, coulant de mes yeux. Infortunée ! Allons, Krètois, fils de l’Ida, prenez vos flèches, venez à mon aide, donnez l’essor à vos pieds, investissez la maison. Toi, Diktynna, déesse virginale, belle Artémis, parcours, avec tes chiens, la demeure entière. Et toi, fille de Zeus, Hékatè, prends deux torches dans tes mains agiles, et éclaire-moi jusque chez Glyka, afin que j’y découvre son larcin. »