Page:Aristophane - Théâtre 1889 tome 2.djvu/329

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Eschyle.

Je n’y consentirai pas, avant d’avoir fait connaître quel est ce faiseur de boiteux[1], qui est si furieux aujourd’hui,

Bacchus.

Çà, qu’on m’apporte une brebis noire[2], car la tempête va éclater.

Eschyle.

Ô toi, qui introduis sur la scène les monologues lugubres des Crétois et des noces criminelles.

Bacchus.

Ô très respectable Eschyle, modère-toi. Et toi, ô pauvre Euripide, fuis bien vite pour éviter la grêle, de peur que dans l’enthousiasme ton concurrent ne te brise le crâne avec quelques vers trop frappés et n’en fasse sortir tout Télèphe. Et toi, Eschyle, reprends et sois repris avec modération et sans colère. Il ne convient pas que des hommes et des poètes se querellent comme des boulangères. Car pour toi, tu éclates d’abord, comme l’yeuse saisie par les flammes.

Euripide.

Je suis en vérité tout prêt, et je ne crains ni d’attaquer ni d’être attaqué le premier, comme il lui plaira, sur les vers, sur la mesure et sur le ton tragique, soit de Pélée, soit d’Éole, soit de Méléagre, soit de mon Télèphe enfin.

Bacchus.

Et toi, quel parti prends-tu ? Parle, Eschyle.

  1. Bellérophon, Philoctète, Télèphe, personnages des tragédies d’Euripide, étaient boiteux.
  2. Les matelots, quand ils craignaient une tempête, immolaient une brebis noire à Typhon, dieu des tempêtes.