Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/1122

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ce bien admirable qu'on appelle la prudence, ce premier des biens, soit le partage de l'homme injuste.

§ 2. Ne doit-on pas dire bien plutôt que jamais la prudence ne peut être la compagne de l'homme injuste ? L'homme injuste ne recherche pas, et il est incapable de juger, ce qui est absolument bien, et même ce qui est spécialement bien pour lui ; il s'y trompe toujours, tandis que la fonction éminente de la prudence, c'est de pouvoir porter un sûr discernement dans les choses de ce genre.

§ 3. C'est absolument comme dans la médecine. Il n'est personne qui ne sache ce qui est sain absolument parlant, et ce qui fait la santé : par exemple, chacun sait l'utilité de l'ellébore, des purgatifs, des amputations, des cautérisations ; personne n'ignore que ce sont là des remèdes fort salutaires et qu'ils rendent la santé. Mais tout en sachant fort bien tout cela, nous ne possédons pas la science médicale; car nous ne savons pas quel,est le bon remède dans chaque cas particulier, comme le médecin qui sait à quel malade ce remède est bon, dans quelles dispositions du malade il doit l'administrer, et à quel moment, toutes connaissances qui constituent la vraie science de la médecine. Ainsi donc, tout en sachant d'une manière absolue et générale ce qui est bon pour la santé, nous n'avons pas cependant la science médicale ; et nous ne la portons pas du tout avec nous.

§ 4. De même aussi, l'homme injuste sait d'une façon générale que la domination, le pouvoir; la richesse sont