Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est juste, bon et beau, quand on croit devoir toujours préférer ses intérêts à ceux de la vérité ! Quiconque veut devenir un grand homme ne doit pas s’aimer lui-même ni ce qui est à lui. Il ne doit aimer que le bien, soit en lui-même, soit dans les autres, sous peine de tomber dans sa conduite en mille fautes inévitables. Le devoir de tout homme, c’est d’être en garde contre cet amour désordonné de soi-même, et de ne pas rougir de s’attacher à ceux qui valent mieux que lui.

Ainsi, de quelque côté que l’on considère la doctrine de Platon, elle aboutit à ce grand résultat qu’elle admet dans la nature humaine deux principes différents, unis par des liens qui sont mystérieux, sans être obscurs. L’un de ces principes, qui nous rapproche de Dieu, doit dominer souverainement l’autre, qui nous ravale à la bête. Il est donné à l’homme de jouir, pour son bonheur et sa gloire, de deux ordres de biens, qu’il ne doit jamais confondre sous peine de se perdre : ici les biens divins de l’âme, la prudence, la tempérance, la justice et le courage, parties de la vertu ; la, les biens humains, encore précieux sans doute mais inférieurs, la santé, la beauté, la vigueur et la richesse. L’État s’égare comme l’individu, quand il donne la préférence aux