Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/1162

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et spéciale. Si l'on admet que ce renversement des choses est possible, il en résultera que l'on peut faire de la vertu un détestable usage. Si l'on n'a, en effet, qu'une raison mauvaise et vicieuse, du moment qu'on usera de la vertu, on en usera mal. Mais, c'est là, ce me semble, une absurdité insoutenable.

§ 29. Il nous sera bien facile de répondre à cette question, et de la résoudre, d'après les principes que nous avons exposés plus haut sur la vertu. Ainsi, nous avons dit que la vraie condition de la vertu, c'est que la raison bien organisée soit d'accord avec les passions, qui gardent leur vertu spéciale; et que, réciproquement, les passions soient d'accord avec la raison. Dans cette heureuse disposition, la raison et les passions seront en complète harmonie ; la raison commandera toujours ce qu'il y a de mieux à faire ; et les passions, régulièrement organisées, seront toujours prêtes à exécuter, sans la moindre peine, ce que la raison leur ordonne.

§ 30. Si la raison est vicieuse et mal disposée, et que de leur côté les passions soient ce qu'elles doivent être, il n'y aura pas de vertu, parce qu'il y manquera la raison, et que la véritable vertu se compose de ces deux éléments. Il ne sera donc pas possible d'user mal de la vertu, ainsi qu'on le disait. Absolument parlant, la raison n'est pas, comme d'autres philosophes le prétendent, le principe et le guide de la