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Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/1247

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à le faire, que le meilleur acte appartient à la meilleure faculté, et que la vertu est la meilleure de toutes les manières d’être, il s’en suit que l’acte de la vertu est ce qu’il y a de meilleur pour l’âme. § 9[1]. D’autre part, comme le bonheur était à nos yeux le bien suprême, nous pouvons conclure que le bonheur est l’acte d’une âme vertueuse. Mais en outre le bonheur était quelque chose de final et de complet ; et comme la vie peut être complète et incomplète, ainsi que la vertu, qui est ou entière ou partielle, et comme l’acte des choses incomplètes est incomplet, on doit définir le bonheur l’acte d’une vie complète conforme à la complète vertu.

§ 10[2]. Que nous ayons bien analysé la nature du bonheur, et que nous en ayons donné la vraie définition, nous en avons pour gages les opinions que chacun de nous s’en fait. Ne confond-on pas sans cesse réussir, bien agir et bien vivre avec être heureux ? Et chacune de ces expressions n’indique-t-elle pas un usage et un acte de nos facultés, la vie et la pratique de la vie ? La pratique n’implique-t-elle pas toujours l’usage des choses ? Le forgeron, par exemple, fait le mors du cheval ; et c’est le cavalier qui s’en sert. Ce qui prouve encore l’exactitude de notre définition, c’est qu’on ne croit pas qu’il suffise pour être heureux de l’être pendant un jour, ni qu’un enfant puisse être heureux, ni même qu’on le soit

  1. Le bonheur est l’acte d’une âme vertueuse, Id. ibid.
  2. Nous en avons pour gages. Voir la Morale à Nicomaque, livre I, ch. 6, § 4. — Pendant toute sa vie. Même théorie dans la Morale à Nicomaque, livre I, ch. 7, § 12 — Solon avait bien raison de dire. Dans la Morale à Nicomaque, livre 1, ch. 7 § 12, et ch. 8, § 10, cette maxime n’est pas aussi formellement approuvée. Voir la conversation de Solon et de Crœsus, dans Hérodote, Ciio, ch 30, p. 9 de l’édition de Firmin Didot