Aller au contenu

Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/1277

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le tempérant agira bien, et même on peut dire qu’il agira mieux que l’intempérant ; car la tempérance est une vertu, et la vertu rend les hommes d’autant meilleurs. Il fait acte de tempérance, quand il agit suivant sa raison contre son désir. De là, une contradiction nouvelle ; car si se bien conduire est volontaire tout comme se mal conduire, et l’on ne peut nier que ces deux choses ne soient parfaitement volontaires, ou que du moins, l’une étant volontaire, il ne faille nécessairement que l’autre le soit aussi ; il s’en suit que ce qui est contre le désir est volontaire ; et alors le même homme fera une même chose tout à la fois et volontairement et contre sa volonté.

§ 9[1]. Même raisonnement pour le cœur et pour la colère, puisqu’il semble bien aussi qu’il y a tempérance et intempérance de cœur comme il y en a pour le désir. Or, ce qui est contre le sentiment du cœur est toujours pénible ; et le retenir, c’est toujours se forcer. Par conséquent, si tout acte forcé est involontaire, il en résulte que tout ce qui est suivant le cœur est volontaire. Héraclite semblait regarder à cette puissance presque irrésistible du cœur, quand il a dit que le dompter est chose bien pénible :

« Ce fier cœur qui toujours met la vie en enjeu. »

§ 10[2]. Mais s’il est impossible d’agir volontairement et involontairement dans le même moment, et pour la même

  1. Pour le cœur et pour la colère. Il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Héraclite Voir la Morale à Nicomaque, où cette même citation se retrouve, livre II, ch., 9, § 10.
  2. Ce qui est suivant la volonté est plus libre. C’est presqu’une tautologie.