366 MORALE A NICOMAQUE.
même, à ce qu'ils supposent, il doit en être ainsi dans l'amitié. Mais celui qui est dans le besoin et la gêne et qui est inférieur, fait un raisonnement contraire : à ses yeux, rendre service à qui se trouve dans le besoin, c'est le devoir d'un bon et véritable ami. Le beau profit, disent- ils, d'être l'ami d'un homme vertueux et puissant, si l'on n'en doit rien retirer! g 2. L'un et l'autre, chacun de leur côté, semblent avoir raison ; et il faut en effet que chacun d'eux tire de sa liaison une part plus forte. Seulement, ce n'est point une part de la même chose; le supérieur aura plus d'honneur; celui qui est dans le besoin aura plus de profit; car l'honneur est le prix de la vertu et de la bien- faisance ; et le profit est le secours qu'on donne au be- soin.
§ 3, C'est là aussi ce qu'on peut remarquer dans l'ad- ministration des États. Il n'y a point d'honneur pour celui qui ne rend aucun service au public. Le bien du public n'est accordé qu'à l'homme de qui le public a reçu des services; et ici le bien du public, c'est l'honneur, la consi- dération. On ne peut tout à la fois tirer profit et honneur de la chose publique ; personne ne supporte longtemps d'avoir moins qu'il ne lui revient sous tous les rapports. Mais on donne honneur et respect à celui qui ne peut rece-
��f/i'se/U-îVs. Ce sont en effet des raison- S 3. Dans l'administration des
nements trop communs, et trop puis- États. En politique, il estbien moins
sants sur les cœurs vulgaires. encore question d'amitié ; et ceci
§ 2, Aura plus d'honneur. Sera prouve de nouveau que le mot de
plus honoré par son obligé qu'il ne Philia, dans la langue grecque, a une
l'honorera; et l'inférieur paiera en acception beaucoup plus étendue que
déférence et en respect ce qu'il rece- le mot d'amitié dans la nôtre. — Le
vra de plus en profit. Mais ce n'est bien du public, c'est l'honneur. Ou
plus là de l'amitié. la gloire. Celte pensée est superbe.
�� �