Page:Aristote - La Politique.djvu/219

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cette faculté de l’âme qui nous fait aimer.

§ 3. En preuve on pourrait dire que le cœur, quand il croit être dédaigné, s’irrite bien plus contre des amis que contre des inconnus. Archiloque, quand il veut se plaindre de ses amis, s’adresse à son cœur :

O mon cœur, n’est-ce pas un ami qui t’outrage ?

Chez tous les hommes, le désir de la liberté et celui de la domination partent de ce même principe : le cœur est impérieux et ne sait point se soumettre. Mais les auteurs que j’ai cités plus haut ont tort d’exiger qu’on soit dur envers les étrangers ; il ne faut l’être avec personne, et les grandes âmes ne sont jamais intraitables qu’envers le crime ; mais, je le répète, elles s’irritent davantage contre des amis, quand elles croient en avoir reçu une injure.

§ 4. Ce courroux est parfaitement raisonnable ; car ici, outre le dommage qu’on peut éprouver, on croit perdre encore une bienveillance sur laquelle on pouvait avoir le droit de compter. De là ces pensées du poète :

Entre frères la lutte est la plus acharnée.

et ailleurs :

Qui chérit à l’excès sait haïr à l’excès.

§ 5. En spécifiant, à l’égard des citoyens, quels doivent être leur nombre, leurs qualités naturelles, et