Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/113

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en vue d’aucun de ces avantages, ni, en général, de quelqu’autre bien que ce soit.

Il semble aussi que le bien parfait ou absolu doive se suffire à lui-même, et de cette condition résultent tous les mêmes effets que nous venons d’attribuer au bonheur. Mais, par cette façon de parler « Se suffire à soi-même », nous n’entendons pas simplement vivre pour soi seul et dans un entier isolement, mais vivre pour ses parens, ses enfans, sa femme, et généralement pour ses amis et ses concitoyens : puisque, par sa nature, l’homme est un être sociable. Toutefois, cette proposition doit être renfermée dans de certaines limites : car, en l’étendant aux générations antérieures, à la postérité, et aux amis de nos amis, cela irait à l’infini. Mais nous reviendrons ailleurs sur ces considérations. Nous entendons ici, par la condition de se suffire à soi-même, un genre de vie qui seul, et sans aucun autre secours, satisfasse à tous les besoins ; et voilà, suivant notre opinion, ce que c’est que le bonheur. C’est ce qu’il y a au monde de plus désirable, indépendamment de tout ce qu’on y pourrait ajouter[1] ; mais, pour peu qu’on en accroisse la somme, il est évident que l’addition du plus petit de tous les biens doit le rendre encore plus désirable ; car ce qu’on y ajoute y met le comble ; or, en fait de biens, ce qui est plus considérable ne saurait manquer d’obtenir la préférence. On peut donc dire que le

  1. Voy. M. M., I, i, c. 2.