Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/114

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bonheur est quelque chose de parfait et qui se suffit à soi-même, puisqu’il est la fin de tous nos actes.

Mais, en convenant que le bonheur est ce qu’il y a de plus excellent, peut-être désirerait-on de connaître plus clairement ce qu’il est ; et il semble qu’on y parviendrait, si l’on pouvait connaître quelle est l’œuvre de l’homme[1]. En effet, de même que c’est dans l’action et dans l’ouvrage d’un musicien, d’un sculpteur, d’un artiste en quelque genre que ce soit, et, en général, de tous ceux qui produisent quelque acte ou quelque ouvrage, que l’on reconnaît ce qui est bon et bien, il semblerait que, pour l’homme aussi, on pourrait porter un jugement pareil, s’il y a quelque œuvre qui lui soit propre. Serait-ce donc qu’il y a des actes et des œuvres propres au cordonnier et au charpentier, et aucune qui le soit à l’homme ; et la nature l’aurait-elle fait une créature inerte et incapable de rien produire ? ou plutôt, ne peut-on pas affirmer que de même que l’œil, la main, le pied, et, en général, chacun de nos membres a sa fonction particulière, ainsi l’homme lui-même en a une qui lui est propre ? Mais cette fonction quelle est-elle ? Et d’abord la vie semble lui être commune même avec les plantes : or nous cherchons ce qu’il y a de propre ; il faut donc mettre de côté la vie de nutrition et celle d’accroissement. Vient en-

  1. Voy. M. M., 1. i, c. 4 et 5 ; Eudem., 1. 2, c. 1, et Platon, De Repub., 1. i, p. 352, 353.