Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/132

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notre vie, tandis que d’autres sont beaucoup moins graves, il en sera de même de celles qui touchent les êtres qui nous sont chers. Et d’abord, il y a apparemment beaucoup plus de différence entre les passions et les affections que nous éprouvons pendant notre vie, et celles qui nous touchent quand nous ne sommes plus, qu’il n’y en a entre les grands forfaits et, les grandes infortunes qu’on éprouve réellement, et celles dont la tragédie nous offre la représentation. Et l’on peut déjà se faire ainsi une idée de cette différence ; mais plus encore parce qu’il y a lieu de douter si les hommes, après leur mort, sont susceptibles d’avoir quelque sentiment des biens et des maux. Car on peut croire que, s’il leur en arrive quelque impression, au moins ne peut-elle être que très-faible et très-obscure, soit en elle-même, soit par rapport à eux. Dans tous les cas, elle ne peut guère être de nature à rendre heureux ceux qui ne le sont pas, ou à diminuer la félicité de ceux qui en jouissent. [ Les prospérités ou les infortunes des amis de ceux qui ne sont plus, paraissent donc ne devoir les affecter que trop peu pour les rendre heureux, s’ils ne l’étaient pas, ou pour avoir aucune influence positive sur leur manière d’être][1].

XII. Après avoir ainsi discuté ces questions, examinons si le bonheur est du nombre des choses

  1. Cette dernière phrase a été regardée avec raison, par les critiques, comme une glose marginale, insérée dans le texte par quelque copiste peu intelligent.