Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/177

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une sorte de modération, dans les sentiments de plaisir et de peine. Mais elle n’est relative qu’aux plaisirs et aux peines du corps, ou des sens ; et même, entre les sensations, c’est plutôt à celles du goût et du toucher que se rapporte la tempérance. Voilà pourquoi l’intempérance est un des vices qui avilissent et dégradent le plus la nature de l’homme, parce qu’il la rapproche davantage de celle des animaux. — XI. Il y a des appetits et des désirs communs à tous les hommes : il y en a qui sont propres ou particuliers à certains individus. C’est surtout par rapport à ceux-ci qu’on pèche contre la tempérance, lorsqu’on s’y livre avec excès, et sans avoir égard aux temps, aux lieux, aux personnes, aux circonstances, etc. La tempérance ne consiste pas à être inaccessible aux sentiments de plaisir ou de peine, mais à ne s’y abandonner qu’avec modération, et toujours dans la mesure que la droite raison prescrit ou approuve. — XII. L’intempérance est un vice plus volontaire que la timidité ou la lâcheté, et par conséquent elle est un plus légitime sujet de blâme ; elle est un défaut naturel de l’enfance, et elle a, en général, plusieurs traits de ressemblance avec cet âge que caractérisent la faiblesse morale et l’indocilité. Il n’y a donc qu’une raison ferme et éclairée qui puisse donner à l’homme la vertu de la tempérance.






I. PUISQUE la vertu se rapporte aux passions et aux actions, et puisque la louange ou le blâme s’adressent aux actions volontaires, tandis qu’on a ordinairement de l’indulgence, et quelquefois de la pitié pour les actions involontaires ; peut-être est-il nécessaire, quand on traite de la vertu, de définir ce que c’est que volontaire ou involontaire[1]. Cela même est utile aux législateurs qui

  1. Voy. aussi M. M. l. i, c. 13 ; Eudem. l. 2, c. 6-9.