Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/205

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dre, ou en le craignant autrement qu’on ne doit, ou lorsqu’il ne le faut pas, ou de quelque autre manière également repréhensible ; et il en sera de même de la confiance et de l’audace. L’homme vraiment courageux est donc celui qui brave et qui craint les dangers qu’il faut braver ou craindre, qui le fait par les motifs, et dans les circonstances, et de la manière convenables ; car ses actions et ses sentiments sont toujours déterminés par une juste appréciation des choses, et par la droite raison. D’ailleurs, la fin de tous les actes est conforme aux habitudes qu’on a contractées : le courage est pour l’homme courageux une chose honorable et belle, et telle est aussi la fin des actions qu’il exécute, car c’est la fin qui donne à chaque genre d’action le caractère qui le distingue ; c’est donc en vue de l’honneur qu’un homme de cœur fait et endure tout ce qu’exige le vrai courage.

En fait d’excès, sous ce rapport, on n’a point donné de nom à l’entière absence de la crainte ; et j’ai déjà remarqué[1] que plusieurs espèces, dans ces divers genres, n’ont point de nom. Au reste, celui qui ne craindrait absolument rien, ni les tremblements de terre, ni les inondations de la mer soulevée, ne pourrait être qu’un homme en démence, ou tout-à-fait insensible, comme on dit que sont les Celtes[2]. Celui qui porte jusqu’à

  1. Ci-dessus (l. 2, c. 7.)
  2. Dans un autre endroit (Eudem. l. 3, c. 8) : « Les Celtes, dit notre philosophe, affrontent les flots soulevés, et s’avan