Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/216

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car c’est surtout pour un tel homme que la vie a un grand prix, et il ne peut ignorer qu’en la perdant il sera privé des plus grands biens ; or, c’est là sans doute un vif sujet d’affliction ; mais il n’en sera pas moins courageux : peut-être même le sera-t-il plus encore, parce qu’il préférera à tous ces biens l’honneur qui s’acquiert dans les combats. On voit donc qu’en tout genre de vertu les actes ne sont accompagnés de quelque plaisir qu’autant qu’on en considère la fin. Au reste, il n’est peut-être pas impossible que des hommes, je ne dis pas tels que ceux dont je viens de parler, mais moins véritablement courageux, et ne possédant aucun autre avantage, soient des soldats mercenaires très-redoutables, car les mercenaires aussi sont prêts à braver tous les dangers et à prodiguer leur vie pour un peu d’or. Mais j’en ai dit assez sur ce sujet, et il est facile, d’après tout ce qui précède, de se faire une idée sommaire et générale de ce que c’est que le courage.

X. Parlons maintenant de la tempérance, car cette vertu semble être, comme le courage, une de celles qui tiennent à la partie de l’âme qui n’est pas le siége de la raison. J’ai déjà dit[1] qu’elle est une sorte de disposition moyenne à l’égard des plaisirs (car elle a avec les affections pénibles des rapports différents et moins directs) ; d’ailleurs c’est dans les plaisirs que se manifeste aussi l’intempé-

  1. Ci-dessus (l. 2, c. 7.) Voyez aussi M. M. l. i, c. 22 ; Eudem. l. 3, c. 2.