Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/223

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égale indifférence pour toutes choses, il s’en faut beaucoup qu’un tel être soit un homme : aussi n’a-t-on point donné de nom à ce genre de caractère[1], qui ne se rencontre nulle part. Quant à l’homme sobre et tempérant, il se tient, à cet égard, dans un juste milieu ; car il ne trouve point de plaisir dans les choses qui séduisent le plus un débauché ; elles lui inspirent plutôt de la répugnance. En général, il ne désire ni ne recherche les plaisirs qu’il ne doit pas aimer, ni ne s’y abandonne avec emportement, ni ne s’afflige d’en être privé. Il ne désire même aucune chose qu’avec modération, et non pas plus qu’il ne faut, ou quand il ne le faut pas, ou de toute autre manière qui serait également répréhensible. Mais tout ce qui peut contribuer à la santé ou à la bonne disposition du corps, et qui est agréable, il le désire et le recherche, toutefois avec la modération convenable, sans que les autres plaisirs puissent y faire obstacle, et sans que son désir le fasse sortir des règles de la décence, ou puisse l’engager à com-

  1. Aristote dit ailleurs (Eudem. l. 3, c. 2) : « Ceux qu’aucun plaisir ne peut émouvoir ont été appelés par les uns insensibles, et autrement par d’autres. Ce sont ces hommes rustiques et grossiers que les auteurs comiques ont quelquefois joués sur la scène, et que rien de ce qui plaît ne touche, même médiocrement, ni autant que cela serait nécessaire. » Il y a en effet plusieurs auteurs, comme Antiphanes, contemporain d’Aristote, Ménandre, Phérécrate, Sophron, dont on cite des comédies intitulées Les Rustres, les Paysans, le Campagnard, etc.