Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/234

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personnes dans les, occasions et de la manière convenables[1].

Cependant l’homme véritablement libéral doit donner avec largesse, et de manière à se réserver à lui-même moins qu’il ne donne aux autres ; car c’est précisément cet oubli de soi qui le caractérise. Au reste, c’est par la fortune qu’un homme possède qu’on peut apprécier sa libéralité ; car ce n’est pas la quantité des choses que l’on donne qui constitue cette vertu, mais c’est l’habitude ou la disposition d’âme de celui qui donne : or, le libéral donne en proportion des biens qu’il possède ; et il est très-possible que celui qui donne moins, soit réellement plus libéral, s’il prend ses dons sur une fortune moins considérable[2]. Ceux qui jouissent d’un bien qui leur a été transmis sont plus libéraux que ceux qui ont fait eux-mêmes leur fortune, parce qu’ils n’ont point éprouvé l’indigence, et qu’en général on tient plus au produit de son

  1. Diogène demandait un jour à un prodigue une mine (environ 90 fr.) Pourquoi donc, lui dit celui-ci, me demandes-tu une somme aussi forte, tandis, que tu ne demandes aux autres que trois oboles (9 sous) ? C’est que j’espère qu’ils seront en état de m’en donner une autre fois, répondit Diogène ; au lieu que toi, tu ne le pourras plus. » (Stob. Serm. 15, p. 152 ; Diog. Laert. l. 6, § 67.)
  2. « Je suis pauvre, disait Eschine à Socrate, je ne possède rien ; mais je me donne à toi tout entier..— Eh quoi ! répondit Socrate, ne vois-tu pas que c’est me faire le plus magnifique présent ? » (Diog. Laert. l. 2, sect. 34 ; Senec. De Benef. l. i, c. 8.)