Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/241

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chiche, ladre, tous termes qui expriment le même défaut, et qui se disent de gens qu’on ne saurait accuser de vouloir prendre le bien d’autrui ; les uns, par un certain esprit de justice, ou par un sentiment d’honneur, puisqu’il y en a même qui semblent ne conserver si soigneusement leur argent que pour n’être pas forcés de faire quelque chose de honteux, ou du moins ils le disent. C’est encore dans cette classe qu’il faut ranger l’homme d’une économie sordide, et, en général, ceux qu’on désigne par des noms qui tous expriment l’éloignement invincible à donner. Les autres ne s’abstiennent du bien d’autrui que par crainte, parce que, quand on prend le bien des autres, il est difficile qu’ils ne cherchent pas, à leur tour, à vous prendre le vôtre ; ils adoptent donc pour maxime qu’il ne faut ni prendre, ni donner.

Il y en a d’autres, au contraire, qui sont caractérisés par un penchant excessif à prendre tout et de toutes mains, comme ceux qui exercent des professions illibérales ; ceux qui se font entremetteurs d’infâmes intrigues, et les usuriers, et, en général, ceux qui mettent un prix considérable aux plus petits services ; car tous ces gens-là prennent de l’argent où il ne faut pas, et beaucoup plus qu’il ne faut. L’avidité pour les gains les plus infâmes est ce qui les distingue, et il n’y a point d’affront qu’ils n’endurent, pourvu qu’ils en tirent quelque profit, si mince qu’il puisse être. Quant à ceux qui s’approprient des objets considérables, sans y avoir aucun droit, et contre toute raison ou justice,