Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/286

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Examinons donc en combien de sens divers peut se prendre le mot injuste. Or, on appelle ainsi l’homme qui viole les lois, celui qui est ambitieux, et qui méconnaît l’égalité entre les citoyens : par conséquent on appellera juste celui qui observe les lois et qui respecte l’égalité des droits ; par conséquent, enfin, le juste en soi sera ce qui est conforme aux lois et à l’égalité, l’injuste ce qui est contraire aux lois et à l’égalité.

D’un autre côté, comme l’homme injuste est aussi ambitieux et avide, il le sera sans doute des biens, mais non pas de tous : il le sera seulement de ceux qui contribuent à la prospérité, et dont l’absence est une cause d’infortune ; je veux dire de ceux qui sont toujours des biens en eux-mêmes, quoiqu’ils ne le soient pas toujours pour tel ou tel individu. Néanmoins, ces derniers sont précisément ceux que les hommes souhaitent avec ardeur, et qu’ils poursuivent sans relâche, en quoi ils ont tort : on doit, au contraire, souhaiter les biens qui sont tels par eux-mêmes, désirer qu’ils soient des biens réels pour nous, et donner simplement la préférence à ce qui nous est personnellement avantageux. Au reste, il y a des cas où l’homme injuste, loin de prétendre obtenir plus que les autres, préfère, au contraire, la moindre part, et c’est lorsqu’il s’agit de ce qui est un mal en soi ; mais comme alors le moins est, en quelque sorte, un avantage, et que l’ambition a surtout le bien pour objet, par cette raison, on trouve encore l’homme injuste, ambitieux et avide dans ce cas-là.