Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/361

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choses qui sont éternelles et immuables, ni à celles qui sont produites [par la nature] de quelque manière que ce soit ; mais il se rapporte à celles qui sont l’objet du doute ou de l’incertitude, et sur lesquelles on est dans le cas de délibérer. Ainsi donc il s’applique aux mêmes objets que la prudence ; mais il n’est pas la même chose que la prudence.

En effet, celle-ci ordonne et prescrit ; sa fin est d’indiquer ce qu’il faut faire ou ne pas faire : la fonction du discernement est uniquement de juger ; car discernement, ou intelligence exacte, sont la même chose ; et on appelle intelligents, ceux qui ont un bon discernement.

Au reste, le discernement ne consiste ni à avoir de la prudence, ni à en acquérir ; mais de même qu’on se sert quelquefois du mot apprendre dans le sens de comprendre[1], lorsqu’il est question d’une science [dont on entend énoncer quelque proposition], ainsi quand on fait usage de ses opinions acquises, pour juger des objets auxquels s’applique la prudence (lorsqu’un autre en parle),

  1. Le mot μανθάνειν (apprendre) est en effet quelquefois pris, en grec, dans le sens de συνιέναι (entendre ou comprendre), et il est facile de voir par quelle analogie l’esprit a été conduit à donner ce double sens au premier de ces mots : car il arrive souvent qu’en entendant dire une chose qu’on ne savait pas, on l’apprend et on la comprend au même instant. Souvent aussi, quand un homme ne s’exprime pas clairement, on n’apprend pas, parce qu’on ne comprend pas ; et, dans ce cas-là, on disait, en grec, οὐ μανθάνω (littéralement : je n’apprends pas).