Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/366

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prudent, et si l’on ne doit le considérer comme tel que quand il l’est devenu, la prudence ne sera nullement utile à ceux qui sont vertueux. Elle ne servira pas même à ceux qui ne le sont pas : car, l’avoir eux-mêmes, ou se laisser conduire par ceux qui la possèdent, ce sera absolument la même chose ; cela nous suffira, comme il nous suffit pour recouvrer la santé, de consulter le médecin, sans apprendre nous-mêmes la médecine. D’ailleurs, il semblerait étrange que cette qualité ou faculté, inférieure à la sagesse, eût cependant l’autorité sur elle ; car c’est à la faculté active de commander et dé prescrire, dans tous les cas, ce qu’il faut faire. Voilà donc des questions qu’il convient d’examiner maintenant, car jusqu’ici nous ne les avons proposées que comme des doutes,

Et d’abord, je dis que ce sont des qualités ou facultés préférables ou désirables en elles-mêmes, bien que ni l’une ni l’autre ne puisse rien produire, puisque ce sont des vertus qui appartiennent chacune à une partie distincte de l’âme[1]. Ensuite,

  1. La sagesse appartient, suivant notre auteur, à la partie de l’âme qui est le siège de la science, et la prudence à celle où réside le raisonnement ou l’opinion, comme le remarque l’auteur d’une scholie manuscrite, citée par Mr  Zell. Car Aristote regarde la sagesse et la prudence comme des vertus intellectuelles, ainsi qu’on l’a vu (l. i, c. 13) ; et l’on a vu également (l. 6, c. I) qu’il divise la partie de l’âme qui est le siège de la raison, en deux autres, dont l’une est appelée par lui scientifique, et l’autre logistique. Voyez aussi ce qu’il dit sur le même sujet, dans la Politique, l. 7, c. 3, § 5.