Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/368

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tions telles qu’on soit réellement vertueux ; c’est-à-dire, par l’effet d’une détermination réfléchie, et en considérant la chose qu’on fait uniquement en elle-même.

C’est donc la vertu qui donne au choix ou à la préférence un caractère de bonté morale ; toutefois ce n’est pas à elle que se rapportent tous les moyens qui sont de nature à nous faire atteindre le but qu’elle prescrit ; c’est à une autre faculté. Mais il faut un peu plus d’attention pour éclaircir cette proposition.

Or, il y a une faculté qu’on désigne par le nom d’adresse[1], laquelle consiste à pratiquer et à exécuter avec succès tout ce qui peut conduire à un but qu’on s’est proposé. Si donc ce but est honorable, cette faculté est digne d’éloges et d’estime ; mais, s’il est mauvais ou répréhensible, elle prend le nom de fourberie ou de ruse ; et, par cette raison, nous appelons les hommes prudents des gens adroits, et non pas fourbes ou rusés. La prudence

  1. Je me sers ici du mot adresse, parce qu’il me semble être celui qui, dans ce cas, correspond le mieux au mot grec δεινότης ; il a aussi, dans sa signification, une analogie assez marquée avec le mot σοφία, pris dans le sens d’habileté (Voyez ci-dessus la note 1, du chap. VII). Mais σοφία se dirait plutôt de la supériorité intellectuelle qui constitue l’habileté, et δεινότης de l’habileté dans l’exécution, quoiqu’à dire le vrai, aucun des mots français sagesse, habileté, adresse, finesse, talent, ne comprenne exactement, comme on peut bien croire, toutes les nuances de signification comprises sous les mots grecs σοφία et δεινότης. Au reste, Aristote lui-même explique ailleurs la valeur de ce dernier mot. Voyez M. M. l. i, c. 35.