Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/369

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n’est donc pas cette faculté-là même, mais ne peut exister sans elle. L’habitude que l’on appelle prudence, consiste dans ce coup-d’œil rapide de l’âme, qui ne saurait être séparé de la vertu, comme on l’a déjà dit, et comme il est évident. Car les raisonnements [qui règlent notre conduite] comprennent le principe de ce qu’il faut faire, puisque ce principe est lui-même la fin ou le but qu’on doit se proposer, c’est-à-dire, le souverain bien quel qu’il soit[1]. Supposons, en effet, que ce fut le hasard, ou que cette fin principale dépendît de la fortune, elle ne se manifesterait toujours qu’à l’homme de bien ; car le vice pervertit [l’âme], et ne peut que lui donner de fausses notions sur les principes propres à diriger ses actions. Il est donc évident qu’on ne saurait être prudent, si l’on n’est pas vertueux.

XIII. Mais revenons encore une fois sur l’examen de la vertu ; elle est à peu près comme la prudence à l’égard de l’adresse : on ne peut pas dire que ce soit la même chose, mais elle lui ressemble. Ces deux qualités ont, entre elles, même rapport que la vertu absolue ou proprement dite, et la vertu naturelle.

En effet, la nature semble avoir mis dans tous les individus le germe de chacune des vertus mo-

  1. Les interprètes et les critiques sont peu d’accord sur la manière dont il faut entendre cette phrase du texte, qui en effet est très-peu clair dans cet endroit ; j’ai adopté à peu près le sens que lui donne l’auteur de la paraphrase.