Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/370

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rales  ; car nous apportons, pour ainsi dire, en naissant, quelque disposition à la justice, à la prudence, ou à la tempérance, au courage, et aux autres qualités de l’âme. Mais nous cherchons ici quelque chose de plus, c’est la bonté et la vertu proprement dites, c’est une autre manière d’être juste, courageux, tempérant, et le reste. Ces dispositions naturelles existent, en effet, dans les enfants et dans les animaux[1] ; mais elles semblent plutôt nuisibles qu’utiles, sans l’intelligence. C’est ce qu’on peut reconnaître en considérant que les mouvements du corps, de quelque vigueur qu’il soit doué, ne peuvent que l’exposer à des chocs très-funestes, quand il est privé de la vue. Or, il en est de même ici : notre manière d’agir est tout autre, quand elle est dirigée par l’intelligence. Et c’est précisément dans une habitude ou disposition semblable, que consiste la vertu proprement dite.

Concluons de là que, de même que la partie de l’âme qui conçoit et apprécie les opinions, comprend deux sortes de facultés, l’adresse et la prudence, ainsi la partie morale comprend deux sortes de vertus, la vertu naturelle, et la vertu en soi ou proprement dite ; et celle-ci, qui est principale et directrice [s’il le faut ainsi dire], ne saurait exister sans la prudence.

C’est ce qui a fait dire à quelques-uns que toutes les vertus ne sont que la prudence [considérée sous différents points de vue] ; et Socrate, dans ses

  1. Voyez Aristot. Histor. Animal. l. 8, c. 1.