Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/401

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reconnaître qu’il y a outrage, ou signe de mépris, et aussitôt, comme s’il avait conclu légitimement qu’il faut se battre contre l’auteur de l’outrage, le voilà plein de fureur. Mais le désir, pour peu que la raison ou les sens lui fassent connaître une chose comme propre à donner du plaisir, se précipite, en quelque sorte, vers la jouissance : de sorte que la colère suit au moins la raison jusqu’à un certain point, mais le désir ne la suit en rien. Il est donc plus méprisable : car celui qui cède à la colère reste, à quelques égards, au-dessous de la raison ; mais celui,qui cède à ses désirs ne la considère en rien. D’ailleurs, on est plus pardonnable de céder aux désirs naturels, ou, entre ceux-ci, à ceux qui sont plus généralement le partage de l’homme, et autant qu’ils sont communs à la nature humaine ; or, la colère, même portée à un certain degré de violence, est plus naturelle que les désirs violents et qui ne sont pas des nécessités. C’est ce qu’alléguait, pour sa défense, cet homme à qui on reprochait de battre son père : « Lui-même, répondit-il, a aussi battu le sien, lequel en avait agi de même avec son propre père » ; et montrant son enfant en bas âge : « Celui-ci, ajouta-t-il, me traitera de la même manière, quand il sera devenu homme ; car c’est chez nous une habitude de famille. » Et cet autre qui se voyait traîné par son fils, lui ordonna de s’arrêter quand il serait sur le seuil de la porte, attendu que lui-même n’avait traîné son père que jusque-là.

D’un autre côté, il y a plus d’injustice dans ceux