Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/402

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qui cachent plus leurs desseins. Or, l’homme violent et colère n’est pas dissimulé, sa passion se montre à découvert ; au lieu qu’on peut dire du désir ce qu’un poète dit de Vénus, de la déesse de Cypre, habile à ourdir des trames perfides[1] », et ce que dit Homère en décrivant cette ceinture, tissu merveilleux qui inspire un langage flatteur et tendre, capable de séduire même l’homme d’une prudence consommée[2]. » Tellement que, si cette sorte d’intempérance est plus injuste et plus honteuse que celle qui se rapporte à la colère, ce sera celle-là qu’on devra appeler proprement intempérance, et, pour ainsi dire, vice, dans un sens absolu. Ajoutons, enfin, que personne n'éprouve un sentiment de peine, en se livrant à l’incontinence ; mais tout homme qui agit avec colère est, par cela même, péniblement affecté, tandis que l’incontinence est accompagnée de volupté. Si donc les circonstances où la colère est le plus légitime, sont celles où l’injustice est plus grande, l’intempérance qui est l’effet du désir, doit être aussi plus injuste : car l’intention d’outrager n’est pas la cause de la colère[3]. L’on voit donc clairement que l’intempérance dans les désirs est plus honteuse que l’intempérance dans la colère ; et que la tempérance et l’intempérance proprement dites

  1. Expressions d’un poète inconnu.
  2. Iliade, ch. xiv, vs. 214—217.
  3. Au contraire, la colère est provoquée par un outrage qu’on a reçu, ou que du moins on croit avoir reçu.