Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/444

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les gens d’un commerce facile et gai, mais uniquement à cause de l’agrément qu’ils leur procurent. D’où il suit que ceux qui aiment en vue de l’utilité, aiment à cause du bien qui leur en revient ; et ceux qui aiment en vue du plaisir, le font à cause de l’agrément qu’ils y trouvent. [Leur ami leur est cher,] non pour ses qualités [personnelles], mais à cause de l’utilité ou de l’agrément que son commerce leur procure. Ces sortes d’amitiés sont donc souvent l’effet des circonstances, puisque la cause qui les détermine n’est pas dans le caractère propre et particulier de ceux qu’on aime, mais dans le bien que les uns, et dans le plaisir que les autres peuvent faire. Elles sont, par conséquent, faciles à dissoudre, quand ceux qui les inspirent ne demeurent pas les mêmes ; car, du moment où ils cessent d’être utiles ou agréables, on cesse de les aimer. Or, l’utilité n’est pas durable ; mais telle chose est utile dans un temps, telle autre l’est dans un autre. La cause qui avait donné lieu à l’amitié venant donc à cesser, l’amitié elle-même s’évanouit, puisqu’elle n’avait pas d’autre fondement que celui-là.

Cette espèce d’attachement semble surtout se rencontrer chez les vieillards[1] : car ce n’est pas l’agréable, mais l’utile, que recherchent les hommes de cet âge, aussi-bien que ceux d’un âge mûr, et ceux qui, jeunes encore, sont très-occupés de leur intérêt

  1. Voyez dans la Rhétorique d’Aristote (l. 2, c. 13) les mêmes idées sur ce sujet, exposées avec plus d’étendue.