Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/445

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

personnel. Les hommes de ce caractère sont aussi assez peu disposés à vivre les uns avec les autres dans un commerce habituel ; car ils y portent quelquefois peu d’agrément : aussi ne se soucient-ils guère d’un tel commerce, quand l’utilité ne s’y joint pas ; car ils ne sont agréables qu’autant qu’ils conservent quelque espoir d’en tirer de l’avantage. On range ordinairement dans cette classe les liaisons d’hospitalité.

Quant à l’amitié des jeunes gens, c’est communément le plaisir qui en est le lien ; car ils vivent, en général, sous l’empire des passions, et ils recherchent surtout le plaisir du moment. Mais, lorsqu’ensuite vient l’âge mûr, d’autres objets leur plaisent : aussi deviennent-ils promptement amis et cessent-ils de l’être avec la même promptitude ; car l’amitié décline en eux avec le sentiment agréable qui l’avait fait naître, et rien de si rapide que le changement dans les plaisirs de cette espèce. Les jeunes gens sont aussi fort portés à se lier d’amitié avec ceux de leur âge[1] ; car cette espèce d’attachement est une passion fondée, la plupart du temps, sur le plaisir. Aussi la voit-on naître et finir très-promptement, et quelquefois dans la même journée. Cependant, ils aiment à vivre, à passer les jours entiers avec les objets de leur attachement ; car c’est en-

  1. J’ai adopté ici la conjecture de Mr Coray, qui consiste à lire ἑταιρικοὶ, au lieu de ἐρωτικοὶ, et qui est confirmée par divers passages de notre auteur. (Voyez l. 8, c. 5, et l. 9, c. 10 de ce traité, et notamment le c. 12 du livre 2e de la Rhétorique.)