Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/490

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des biens véritables. Qui pourrait blâmer l’amour de soi, considéré sous ce point de vue ? — IX. L’homme véritablement heureux a-t-il besoin d’avoir des amis ? En accordant à l’homme parfaitement heureux la, jouissance, de tous les biens, il semblerait étrange qu’on voulût lui refuser des amis. Car si le bonheur consiste dans l’activité de nos facultés, quelles occasions plus favorables à l’exercice de cette activité que celles que peut offrir le commerce de l’amitié ? D’un autre côté, l’isolement absolu est la source de bien des peines, par le seul obstacle qu’il met au développement de nos plus nobles facultés. Enfin, si l’existence est désirable en soi, pour celui qui est au comble de la félicité, il n’en jouira complètement qu’autant qu’il aura des amis vertueux. — XI. Faut-il s’appliquer à avoir le plus grand nombre possible d’amis ? L’amitié fondée sur l’utilité réciproque, n’en saurait admettre un grand nombre ; celle, qui est fondée sur l’agrément pu le plaisir, n’en admet qu’autant qu’il peut y avoir de personnes avec lesquelles il est possible de vivre dans un commerce habituel. L’amitié véritable, et fondée sur la vertu, ne peut avoir, comme l’amour, qu’un objet unique. En fait de liaisons fondées sur des qualités estimables, et sur des sentiments bienveillants, on doit s’estimer heureux de rencontrer quelques amis de cette espèce. — XI. A-t-on plus besoin d’amis, dans la prospérité, que dans, l’adversité ? Dans tous les cas, la présence d’un ami est une chose précieuse et désirable. Mais c’est à celui qui est dans la prospérité de prévenir et de rechercher ses amis ; celui qui est dans l’infortune doit craindre de leur faire partager ses peines : c’est à eux de le prévenir et de le rechercher. — XII. Vivre, habituellement avec ses amis, est-il, en effet, ce qu’il y a de plus désirable ? Il est certain que tous les hommes aiment à s’occuper, avec leurs amis, de toutes les choses qu’ils regardent comme les plus grands plaisirs. C’est pour cela que l’amitié, entre gens vicieux et méchants, devient criminelle, tandis que les hommes vertueux s’améliorent, et se perfectionnent par un commerce assidu avec des amis qui leur ressemblent.