Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/491

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I. DANS toutes les amitiés où il n’y a pas une sorte d’égalité ou de parité, c’est la réciprocité proportionnelle, comme on l’a dit[1], qui peut établir la compensation. C’est ainsi que, dans les transactions de commerce, l’échange s’opère par des valeurs proportionnelles entre le cordonnier, par exemple, et le tisserand, et de même entre les autres [artisans ou fabricants]. Ici, néanmoins, on a, dans la monnaie, une mesure commune, à laquelle on rapporte tous les objets, et qui sert à leur évaluation[2]. Mais, dans un commerce d’amour[3], il arrive quelquefois que l’amant, n’ayant peut-être rien de propre à séduire, reproche à la personne aimée de ne pas répondre à l’excès de son affection ; et que celle-ci, de son côté, peut se plaindre qu’on ne tient aucune des magnifiques promesses qu’on lui avait faites. Et cela a lieu lorsque l’un n’ayant en vue que le plaisir dans un pareil lien, et l’autre que l’utilité, tous deux sont trompés dans leur attente. Car un attachement, fondé sur de pareils motifs, se relâche bientôt, quand on n’y trouve pas ce qui avait fait naître la passion, parce qu’aucun des deux amants n’aimait l’autre pour lui-même, mais seulement pour des avantages extérieurs ou accessoires qui sont sujets à s’évanouir. Or, il en est de même des amitiés ; au lieu que les attache-

  1. Ci-dessus, l. 8, c. 13.
  2. Voyez le livre v, et 5.
  3. Voyez le livre précédent, c. 8.