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Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/516

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l’amitié. D’ailleurs les causes de cette affection sont prises en nous-mêmes, comme on l’a déjà dit[1], et se répandent, pour ainsi dire, de là sur les autres hommes. Tous les proverbes même, confirment cette opinion ; ainsi lorsqu’on dit : Une seule ame[2] ; et, entre amis tout est commun ; et, égalité, amitié ; et, le genou est plus près que la jambe[3] ; toutes ces façons de parler s’appliquent plus exactement à l’individu lui-même, puisqu’il est nécessairement son meilleur ami, et par conséquent c’est lui-même surtout qu’il doit aimer. On doute néanmoins encore, avec quelque apparence de raison, à laquelle de ces deux opinions il faut donner son assentiment, chacune ayant quelque probabilité en sa faveur..

Peut-être donc faudrait-il analyser ou discuter les raisons sur lesquelles on s’appuie de part et d’autre, et déterminer jusqu’à quel point, et par où chacun des deux systèmes est véritable. Or, en observant quelle signification l’un et l’autre attachent à l’expression amour de soi, peut-être parviendrait-on à éclaircir la question. Par exemple,

  1. Ci-dessus, dans le chapitre 4e de ce livre.
  2. " Quelqu’un demandant à Aristote ce que c’est qu’un ami : « Une seule ame en deux corps, répondit-il, » Diog. Laert. l. 5, § 20.
  3. Ce proverbe s’appliquait aussi, en général, aux circonstances où l’on voulait faire entendre qu’une chose était plus utile ou plus importante qu’une autre. Voy. Cicer. Famil. l. 16, Epist. 23. Les Romains disaient, dans le même sens, Tunica pallio propior. Voy. Plaut. Trinum. act. 5, sc. 2, vs. 30.