Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/517

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ceux qui en font un terme de reproche ou d’outrage, appellent hommes personnels, ou égoïstes, les gens avides de richesses, ou d’honneurs, ou qui se livrent avec excès aux plaisirs des sens ; car tel est le penchant de la plupart des hommes ; tels sont les objets constants de leurs désirs et de leurs efforts, et ceux qu’ils estiment le plus ; aussi sont-ce ceux qu’on se dispute avec le plus de violence. Or, quand on est possédé de ces sortes de désirs, on s’occupe sans cesse à les satisfaire, et à satisfaire en général ses passions, et par conséquent la partie de l’âme qui est dépourvue de raison. C’est donc avec justice qu’on verse le blâme et le mépris sur ceux qui s’aiment de cette manière, et personne n’ignore qu’en effet l’on appelle vulgairement égoïstes et personnels ceux qui cherchent à se procurer ces sortes de jouissances. Car personne ne s’avisera d’appeler égoïste l’homme qui s’applique à pratiquer, plus qu’aucun autre, la justice, ou la tempérance, ou toute autre vertu, et qui, en général, se montrera sans cesse empressé à faire des actions nobles et généreuses ; personne ne le blâmera.

C’est pourtant celui-là qui semblerait plutôt être égoïste, cherchant à s’assurer les biens réels et les plus précieux, à contenter en tout la plus noble et la principale partie de lui-même, et se montrant de tout point docile aux impulsions qu’il en reçoit. Mais, de même qu’une cité semble exister essentiellement dans ce qui en fait la partie la plus importante (ce qui est vrai également de toute corporation