Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/518

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ou assemblage de parties) ; ainsi en est-il de l’homme. Par conséquent, celui-là est surtout ami de soi-même, qui aime par-dessus tout cette partie essentielle[1], et qui cherche à la satisfaire : et l’on dit de l’homme qu’il est tempérant, ou intempérant, [qu’il a de l’empire sur lui-même, où qu’il n’en a pas] suivant que l’esprit, [l’intelligence ou la raison] domine ou ne domine pas en lui, attendu que c’est là ce qui constitue proprement l’individu. Aussi les actions qui ont été dictées par la raison, et faites volontairement, semblent-elles spécialement appartenir à cette partie. On voit donc clairement qu’elle est l’individu lui-même, que l’honnête homme la chérit par-dessus tout, et qu’enfin c’est lui qu’on pourrait regarder comme ayant essentiellement l’amour de soi, mais dans un sens tout différent de l’égoïsme qu’on blâme. Il en diffère, en effet, autant qu’une vie conforme à la raison diffère d’une vie assujettie à l’empire des passions, et que l’amour constant de tout ce qui est beau et honorable, diffère de l’attachement à tout ce qui offre l’apparence de l’utilité.

Aussi tout le monde approuve et loue ceux qui se distinguent par leur empressement à faire des actions vertueuses ; et si tous les hommes rivalisaient en amour pour le beau, et s’efforçaient sans cesse à faire les actions les plus généreuses,

  1. C’est-à-dire, son âme, ou (suivant Aristote) la partie de son âme qui est le siège de la raison.