Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/572

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mais, pour exécuter les actes, on a besoin de beaucoup de choses, et plus ils sont généreux et imposants, plus il faut de moyens. Celui qui se livre à la vie contemplative, au contraire, n’a nul besoin de tout cela pour exercer ses fonctions ; ce seraient même, pour ainsi dire, des obstacles, du moins à la pure contemplation. Toutefois, en tant qu’homme, il préfère d’exécuter les actes conformes à la vertu, et, par conséquent, il aura besoin de toutes ces ressources [des biens extérieurs] pour remplir les fonctions d’homme.

Mais voici de quoi nous convaincre que le parfait bonheur est une sorte d’énergie ou d’activité purement contemplative. En effet, nous avons reconnu que ce sont les Dieux surtout qui jouissent d’une félicité absolue et sans bornes : or, quelles actions faudra-t-il leur attribuer ? des actes de justice ? Ne serait-il pas ridicule de se les représenter contractant des engagements, restituant des dépôts, et faisant d’autres choses de ce genre ? Supposera-t-on qu’ils font des actes de courage, qu’ils affrontent le péril, ou s’exposent aux dangers, parce que cela est beau et honorable, ou qu’ils pratiquent la libéralité ? Mais à qui feront-ils des présents ? Il serait absurde de supposer qu’ils ont de l’argent monnayé, ou quelque chose de pareil. Que sera-ce si l’on suppose qu’ils sont tempérants ? Ne serait-ce pas un grossier outrage envers les dieux, que de les louer de ce qu’ils n’ont pas des désirs honteux ? En un mot, si l’on considère en détail toutes les actions [des hommes], on les