Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/571

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du bonheur, tandis que celui de l’esprit ou de l’intelligence existe, pour ainsi dire, à part. Mais c’en est assez sur cet article ; car une discussion plus exacte et plus étendue n’appartient point au sujet que nous traitons.

Au reste, [le bonheur de la vie contemplative] ne semble exiger que peu des biens extérieurs, ou paraît en exiger moins que le bonheur qui résulte de la vertu morale. Supposons, en effet, dans l’un et l’autre genre de vie, un égal besoin des biens nécessaires : car, quoique l’homme appelé à des fonctions publiques ait à supporter plus de fatigues corporelles, et d’autres choses de cette espèce, il n’y aura pas au fond une grande différence ; mais il y en aura une très-grande par rapport aux actions. En effet, il faudra beaucoup d’argent au libéral pour exercer sa libéralité, à l’homme juste pour fournir aux compensations [qui peuvent rétablir l’égalité] ; car la volonté ne se voit pas, et ceux qui ne sont pas justes feignent souvent de vouloir pratiquer la justice. Il faudra à l’homme courageux une certaine puissance pour accomplir certains actes de courage ; et il faudra au tempérant des moyens et des occasions [d’exercer la tempérance] ; car, enfin, comment pourra-t-il, lui, ou tout autre, dans le même cas, se faire connaître pour ce qu’il est ?

Cependant, on demande si l’intention est plus essentielle à la vertu que les actes, attendu qu’elle consiste dans ces deux choses. Il est visible qu’elle n’existe complètement qu’avec ces deux conditions ;