Aller au contenu

Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

puissance injuste et tyrannique, lorsqu’il semble les avoir provoquées sans nécessité apparente, sans motif direct et personnel, il ne fait que céder à la force d’une douleur morale, dont il ne se rend pas toujours : compte. Tandis que les méchants croient poursuivre en lui un ennemi violent et emporté, tandis que les âmes communes ne voient dans sa conduite qu’une imprudence propre à expliquer, sinon à justifier le malheur qui le frappe, et qu’une hypocrite lâcheté affecte de l’attribuer à un vain amour de célébrité, ou à d’autres motifs plus vils, celui qui est victime de tous ces faux jugements n’a souvent fait, en s’exposant à des peines extérieures et visibles aux yeux de tous, que s’affranchir d’une peine intérieure plus intolérable encore. C’est que l’amour de l’ordre et de la justice, le dévouement au bien public et, en général, le sentiment du devoir, dans les ames fortes, est une passion véritable, qui, comme d’autres passions moins nobles, a ses exigeances et, en quelque sorte, ses nécessités ; qui s’irrite par les privations, et se nourrit des sacrifices mêmes qu’elle s’impose. Vainement l’oubli dédaigneux, l’ingratitude, la calomnie et la persécution s’attachent au petit nombre des hommes faits pour éprouver cette passion généreuse ; une seule pensée les sputient et les console : ils savent qu’eux, et tous ceux qui sont animés des mêmes sentiments, sont presque la seule