Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/92

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uns le font consister dans la volupté, d’autres dans les honneurs et dans les dignités, d’autres dans les richesses : mais il est facile de faire voir qu’ils se trompent ; et même la vertu toute seule ne donne pas, peut-être, le parfait bonheur. — VI. Platon le regarde comme une de ces natures universelles, qu’il a désignées par le nom d’idées ; mais cette doctrine est peu conforme à la vérité. — VII. Le bonheur est la fin la plus parfaite que l’homme puisse se proposer. C’est donc quelque chose d’absolu, et qui se suffit à soi-même. Il est l’œuvre propre de l’homme, en tant que créature douée d’intelligence et de raison. Par conséquent, il consiste dans la constante activité de nos facultés rationnelles et intellectuelles, et dans leur développement opéré par une vie parfaite. — VIII. Il est convenable de connaître les opinions diverses, au moins les plus remarquables, qui ont été proposées sur la nature du bien proprement dit, ou du bonheur. Cet examen sert à nous convaincre que les actes de vertu sont en eux-mêmes une source de délices ; mais il semble bien difficile, sinon impossible, qu’on fasse constamment de tels actes, quand on est entièrement dénué des biens extérieurs. — IX. Le bonheur est-il une chose qui puisse s’apprendre, qui soit le résultat de l’exercice et de l’application : est-il un don de la divinité, ou un effet du hasard ? Il est naturel de penser, d’après la définition qui en a été donnée, que l’application et une étude assidue peuvent contribuer essentiellement au bonheur. — X. D’un autre côté, faut-il, comme le pensait Solon, attendre qu’un homme soit mort, pour pouvoir prononcer avec certitude sur son bonheur ? On peut, ce semble, déclarer heureux celui dont les actions sont conformes à une vertu parfaite, qui possède des biens extérieurs autant qu’il en faut pour pratiquer la vertu, et qui existe dans une telle situation depuis une longue suite d’années. D’ailleurs c’est toujours un bonheur purement humain, c’est-à-dire, soumis aux vicissitudes dont la vie de l’homme n’est jamais exempte. — XL Quant à l’espèce et au degré d’influence que peuvent avoir sur la félicité de l’homme, après sa mort, les destinées de sa postérité et de ses amis, il est probable que cette influence ne peut guère rendre parfaite-