Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/139

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qui fait dire que le malheur réunit les hommes, lors qu’une même chose nuit aux uns et aux autres.

XXI. Ce qui n’est pas excessif est encore un bien, mais ce qui est plus grand qu’il ne faut est un mal.

XXII. De même, ce qui a exigé beaucoup de peine, ou une grande dépense ; car, dès lors, on y voit un bien ; une chose arrivée à ce point est regardée comme une fin et comme la fin de beaucoup de choses ; or la fin est un bien[1]. De là ce mot :

Quelle gloire resterait à Priam ! . . .[2]

et encore :

Il est honteux de demeurer longtemps. . .[3]

De là aussi le proverbe : (casser) sa cruche à la porte.

XXIII. On préfère aussi ce que beaucoup de gens recherchent et ce qui parait digne d’être disputé, car nous avons vu[4] que ce à quoi tendent tous les hommes est un bien ; or beaucoup de gens font ce que tout le monde fait.

XXIV. Ce qui est louable, car personne ne loue ce qui n’est pas bon ; — ce qui est loué par des adversaires ou par les méchants. Autant vaut dire, en effet, que tout le monde est d’accord sur un fait si l’on a l’adhésion de ceux même qui ont eu à en souffrir, et qu’ils se soient rendus à l’évidence. Tels, par exemple, les méchants que leurs amis accusent, et les hommes de bien que leurs ennemis n’accusent pas. Aussi les

  1. Pour que la pensée fût complète il faudrait ajouter κακῶν après πολλῶν et après le troisième τέλος.
  2. Hom., Il., II, 160 et 176. La retraite des Grecs serait pour Priam un dénouement heureux, glorieux, du siège de Troie.
  3. Hom., Il., II, 298.
  4. Chap. IV, § 2.