Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/158

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l’intérêt des autres : car on met alors le sien au second rang. Toutes les actions profitables, soit à d’autres personnes, mais non pas à soi-même, soit à ceux qui nous ont rendu service, car c’est un acte de justice ; ou bien les bienfaits, car ils ne tournent pas au profit de leur propre auteur.

XX. De même aussi les actions contraires à elles dont on peut rougir ; or on rougit des choses honteuses que l’on dit, que l’on fait ou que l’on se dispose à faire ou à dire. De là les vers de Sapho, en réponse aux vers suivants d’Alcée :

Je voudrais te dire quelque chose, mais je suis retenu par la honte.

Sapho : Si ton désir portait sur des choses bonnes et honnêtes ; si ta langue n’avait pas prémédité quelque mauvaise parole, la honte ne serait pas dans tes yeux, mais tu pourrais exprimer un vœu légitime.

XXI. Ce sont encore les choses pour lesquelles on lutte sans rien craindre ; car c’est la disposition où nous sommes en faveur d’une bonne cause qui nous conduit à la gloire.

XXII. Les vertus et les actions sont plus belles lorsqu’elles émanent d’un auteur qui, par nature, a plus de valeur ; par exemple, elles d’un homme plutôt que celles d’une femme.

XXIII. Sont plus belles aussi les vertus capables de donner des jouissances aux autres plutôt qu’à nous-mêmes. C’est pour cela que l’action juste, la justice, est une chose belle.

XXIV. Il est plus beau de châtier ses ennemis et de ne pas transiger avec eux ; car il est juste d’user de représailles ; or, ce qui est juste est beau, et il appartient aux braves de ne pas se laisser vaincre.