Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/185

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leurs mains ; car ils se désistent à bon compte et retirent volontiers leur plainte.

XXVI. De même ceux qui ont commis de nombreuses injustices, ou des injustices du genre de celles qui leur sont faites. En effet, c’est presque ne pas être injuste que de causer à quelqu’un le préjudice qu’il cause d’ordinaire à autrui. Je parle du cas où, par exemple, on outragerait un individu qui aurait l’habitude de dire des injures.

XXVIII. Ceux qui nous ont fait du mal, ou qui ont voulu, ou veulent nous en faire, ou enfin qui nous en feront. En effet, agir ainsi est agréable et beau, et même c’est presque ne pas faire acte d’injustice.

XXVIII. On fait du mal pour ceux à qui l’on veut plaire : pour des amis, pour des gens qu’on admire, pour un bien-aimé, pour nos maîtres, en un mot pour ceux à qui l’on consacre sa vie, et aussi pour ceux de qui l’on attend des égards.

XXIX. Les personnes à qui l’on cause un préjudice sont encore celles contre lesquelles on lance une accusation et avec qui l’on a rompu, préalablement ; et en effet, un tel procédé est bien près de ne pas être un acte d’injustice. C’est ainsi que Callippe agit envers Dion[1].

XXX. Les gens qui se disposent à nous faire du mal, si nous ne les prévenons nous-mêmes attendu que, dans ce cas, il n’est plus possible de délibérer. C’est ainsi que l’on dit qu’Énésidème envoya le prix du cottabe à Gélon, qui venait de soumettre une cité, parce qu’il l’avait devancé dans l’exécution de son propre projet[2].

  1. Voir Plutarque, Dion, 18 et suiv. Cornélius Népos donne à ce personnage le nom de Callistrate. Plutarque ne ménage pas le blâme à Callippe, chef du complot dans lequel périt Dion.
  2. Pindare parle de cet Énésidème, tyran de Léontium (Ol. II). Le