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DISCOURS

volontés du plus grand nombre des hommes soumis à leur autorité. Platon semble donc avoir aperçu la déplorable nécessité de ce cercle fatal dans lequel s’accomplissent, depuis tant de siècles, les destinées et les révolutions des états. Les lois, comme il le reconnaît expressément, fout, en quelque sorte, l’éducation des hommes dans la maturité de l’âge : ils sont vertueux si ces lois sont bonnes ; ils deviennent vicieux, si elles sont mauvaises (1). Mais, d’un autre côté, quel peuple aura de bonnes lois, c’est-à-dire, observera religieusement celles

(1) Plat. Menex. p. 238 ; Rep. 1.6, p. 497. Ce philosophe a très-bien caractérisé, dans son dialogue intitulé Gorgias, (p. 510) l’influence des mauvaises lois, et surtout des mauvais gouvernements, sur le caractère moral des hommes qui y sont soumis. Le moyen, dit-il, de vivre à l’abri de l’injustice, en pareil cas, c’est, ou de se rendre maître soi-même de l’autorité, ou au moins de s’associer à ceux qui en disposent, de se concilier leur bienveillance et leur faveur. Or, pour y parvenir, il faut leur ressembler le plus que l’on peut. Un tyran, sans lumière et sans humanité, n’aura assurément ni confiance ni goût pour tout homme qu’il croira meilleur que lui, et méprisera celui qu’il regarde comme trop inférieur. Il ne s’attachera qu’à celui qui a les mêmes sentiments que lui, au sujet des mêmes personnes et des mêmes choses, qui loue et blâme ce que lui-même blâme ou loue. Il faut donc nécessairement que, dans un état ainsi gouverné, les jeunes gens qui ont quelque ambition de parvenir aux emplois, ou à la fortune, ou qui voudront seulement se soustraire aux dangers de l’injustice et de la persécution, s’accoutument de bonne heure à n’aimer et à ne haïr que ce qui plaît ou déplaît au maître, aux dépositaires de sa puissance, et dès-lors leur ame sera souillée de toutes sortes de vices, etc. PRÉ