Page:Aristote - Politique, Thurot, 1824.djvu/66

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leur faire aimer, mieux ils sauraient remplir plus tard les fonctions qui leur seraient confiées. En un mot, ils croyaient qu’on ne pouvait s’y prendre trop tôt pour cultiver la raison de l’homme, qu’on ne pouvait apporter trop de soin à surveiller le développement de son intelligence et de toutes ses habitudes, en l’accoutumant de bonne heure à aimer ce que la raison approuve, et à haïr ce qu’elle réprouve. Tout système d’éducation tendant à établir des opinions factices, des sentiments contraires au bien général de la société, leur paraissait également absurde et dangereux, car on. reconnaît dans tous leurs écrits combien ils étaient convaincus de la force irrésistible de la vérité[1].

Au reste, on aurait tort de s’imaginer que ces

  1. Écoutons ce que l’étude approfondie de l’histoire, et l’expérience des affaires les plus importantes avait appris, sur ce sujet, à l’un des plus illustres historiens de l’antiquité : « La vérité, dit Polybe, est, à mon avis, la plus grande divinité que la nature ait manifestée aux hommes, et celle à qui elle a accordé la plus grande puissance. Aussi, bien qu’elle soit quelquefois combattue par tout le monde, et que toutes les probabilités semblent, dans certaines circonstances, s’unir contre elle avec l’imposture, d’elle-même elle s’insinue, je ne sais comment, dans l’esprit des hommes ; et, tantôt par un essor soudain, elle révèle toute sa force : tantôt, après avoir été long-temps obscurcie d’épaisses ténèbres, elle finit par s’en dégager, et triomphe du mensonge. » (Polyb. Excerpt. Histor. l. 13, § 3.)