Page:Aristote - Politique, Thurot, 1824.djvu/69

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succédèrent, c’est d’avoir trop présumé de la puissance des hommes ou des institutions, et de leur influence immédiate sur l’état d’un peuple. À la vérité, Aristote observe avec raison que le législateur ne rend point les hommes tels qu’il veut qu’ils soient, et qu’il est forcé de les prendre tels qu’ils sont. Mais il oublie bientôt cette sage maxime, et il n’en trace pas moins un plan de gouvernement où beaucoup de choses, sur lesquelles il est impossible de rien statuer pour l’avenir, lui semblent devoir être réglées par la loi ; comme lorsqu’il veut qu’elle assigne une limite déterminée à l’accroissement de la population.

À proprement parler, on ne donne point des lois à une nation, on ne lui donne point une constitution : il n’y a de réellement établi et de durable, en ce genre, que ce que l’état présent des besoins, des sentiments, des opinions et des lumières de cette nation, exige ou permet. Les véritables lois sont celles qui déclarent, pour ainsi dire, cet état de choses, dans ce qu’il a de réellement avantageux pour la société toute entière, et de propre à assurer et à accroître sa prospérité intérieure.

Le célèbre paradoxe de Platon, qu’il n’y aura de bonheur pour les peuples que lorsque les philosophes seront rois, ou lorsque les rois seront philosophes (1), n’est fondé que sur cette idée exagérée

(1) Plat. Rep. 1. 5, p. 473 ; l. 6, p. 487 ; Epist. 7, p. 326.

e. lxviij