Page:Aristote - Politique, Thurot, 1824.djvu/92

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de se suffire à soi-même est la fin [de tout être], et ce qu’il y a de meilleur [pour lui].

9. Il est donc évident, d’après cela, que la cité est du fait de la nature, et que l’homme est, naturellement, un animal politique [c’est-à-dire destiné à vivre en société] ; et celui qui, par sa nature et non par l’effet de quelques circonstances, n’est pas tel, est une créature dégradée, ou supérieure à l’homme. Aussi Homère, pour désigner un homme qui ne mérite que l’indignation et le mépris de ses semblables, l’appelle-t-il insociable, ennemi des lois, sans foyers, sans pénates [1] ; car celui qui a une telle nature est ordinairement avide de combats, et [suivant l’expression d’un poète] il est, « comme les oiseaux de proie, incapable de se « soumettre à aucun, joug. »

10. Mais il est facile de voir pourquoi l’homme est (plus que les abeilles ou toute autre espèce vivant dans un état d’agrégation ) un animal politique ou fait pour la société. Car, comme nous disons, la nature ne fait rien en vain. Or, seul entre tous les animaux, l’homme possède la raison. D’ailleurs les inflexions de la voix sont les signes des sentiments pénibles ou agréables, et c’est pour cela qu’on les retrouve même dans les autres animaux ; car leur nature les rend du moins capables des sentiments de plaisir et de peine, et de se les manifester les uns aux autres ; mais le langage a pour

  1. Voyez l’Iliade d’Homère, chap IX, vs. 63.